On a tous eu un élève compliqué à gérer, et parfois même plusieurs, en même temps, dans une seule classe. Ça m’est arrivé aussi, quand j’enseignais en lycée professionnel à des élèves qui étaient en option mécanique. Autant te dire qu’ils n’étaient pas, de prime abord, emballés par mon cours de français et que j’ai eu mon lot de comportements perturbateurs (je ne parlerai pas de la fois où, alors que j’étais enceinte de 6 mois, ce sont les gendarmes qui ont perturbé mon cours en venant interpeller un élève😊). 

Une erreur que j’ai faite, à l’époque, c’est de vouloir gérer tout, toute seule. Comme si j’étais la seule personne responsable de  la bonne marche de ma classe. Comme s’il était de ma responsabilité seule de « gérer » mon élève. Certes, l’enseignant.e est l’unique adulte dans sa classe (sauf en maternelle, heureusement!) et peut exercer ainsi cette liberté pédagogique qui fait le « sel » de sa pratique.  Mais la conséquence que je déplore est que nous en venons à nous considérer comme des entités isolées. Et non comme les éléments d’un système, d’un « éco-système » dont le sens est tourné vers l’accompagnement des jeunes. C’est d’ailleurs un des éléments-clés du cours en ligne gratuit « Diminuer son stress grâce aux principes de la permaculture » (que je t’invite à suivre en t’y inscrivant sur le lien en bas de l’article) ainsi que de mon livre « Femme Prof Sereine: pour une permaculture de soi et de l’enseignement avec la méthode PERM » (voir ICI).

Avec les années, on développe des stratégies et on « gère » un peu mieux. Mais le stress généré par des comportements perturbateurs peut vraiment t’atteindre. Et, comme le dit Isabelle Filliozat, sous stress notre cerveau réagit de façon réflexe en choisissant parmi les réponses possibles: en s’enfuyant, en attaquant ou en restant figé (le fameux « fly, fight or freeze »)!

Et même si l’attaque est la réaction la plus saine physiologiquement (elle aide à la diminution du taux de cortisol), on est d’accord pour dire que ce n’est pas l’idéal en situation de gestion de classe. 

Quant à l’inhibition -rester figé.e, sans savoir que faire, sans espoir de solution- elle conduit à une réaction physiologique destructrice pour ton organisme et ton esprit, à la baisse de ton système immunitaire, aux maladies cardiovasculaires voire au burn-out.

Voici donc 5 conseils issus de ma propre pratique. Ils ne seront pas tous pertinents pour toi ni pour ton contexte.  Car tout comme dans la nature chaque écosystème a ses propres spécificités, chaque personne, chaque classe, chaque établissement a sa propre dynamique. 

Les conseils que je te propose ici sont donc plutôt des principes que des recettes toutes faites!

Note: ils sont valables en situation de classe à distance

1. Vérifie que tu as un niveau d’énergie suffisant pour "assurer"  

 
C’est vraiment la base. Le métier de prof est un métier de relation où on donne beaucoup d’énergie et, même si on en reçoit parfois de nos élèves et de nos collègues, il t’appartient d’aller chercher cette énergie là où elle te vient aisément : au bord de la mer, en tricotant, en passant du temps en famille ou à vélo . Prends soin de toi. Si tu vois que tu n’arrives plus à te concentrer sur ta tâche, parce que tu es déséquilibrée par des vents contraires dans ta vie (la santé, une grossesse etc) il est temps de te recentrer sur toi et de te redonner l’attention, le soutien et l’amour dont tu as besoin pour avancer.
Si ces vents contraires se manifestent uniquement au travail, alors tu es en danger d’épuisement professionnel (voir mon article sur le burn-out).
 
Considère cela comme une démarche altruiste. Les élèves sont des éponges qui absorbent les émotions. Et en tant qu’adolescents et enfants en construction, ils ont besoin d’avoir en face d’eux un adulte solide pour se sentir conduits en sécurité. Moi par exemple, quand j’ai débuté, je n’osais pas prendre un congé maladie quand j’étais malade. Je me demandais comment les élèves allaient finir le programme et comment mes collègues allaient les gérer en mon absence! Même en fin de grossesse, épuisée et énorme. Autant te dire que je regrette aujourd’hui: les jours où j’étais fatiguée, malade, étaient ceux où je trouvais cela davantage compliqué de gérer mes élèves.

2. Communique avec tes collègues

Même si tu es dans un collège où la culture de l’établissement ne favorise pas l’échange, trouve quelqu’un avec qui tu t’entends bien pour en parler. Cela peut être un prof qui partage ta discipline ou ton année ou même un prof qui enseigne dans un autre cycle. 

Quand j’étais en lycée pro, j’ai eu la chance d’être conseillée par les profs des cours pratiques qui étaient super sympas et m’avaient donné plein d’astuces. Bon, je ne les ai pas toutes appliquées 😉 (« tu gueules un bon coup et tu dis que leur prof de mécanique -qui pèse 120 kilos- va les coincer ! ») mais j’ai senti une solidarité qui m’a soutenue pendant les moments difficiles des premières années. 

J’ai eu aussi une mentor, une prof proche de la retraite chargée de prendre les nouveaux profs sous son aile. Nous nous réunissions une fois par mois pour échanger. Cela m’a beaucoup aidée (c’est d’ailleurs sur ce modèle de cercle de co-développement que je propose régulièrement des cercles de parole). 

Tu n’es pas obligée d’écouter les conseils même bien avisés de tes collègues. Et tu peux même leur demander explicitement ce dont tu as besoin comme soutien: un  encouragement, un partage d’expérience voire un conseil. N’oublie pas que les gens ne lisent pas dans ta tête…!

Tu recevras peut-être un élément d’information important par rapport à l’élève ou à la classe. Sur ce qui s’est passé avant dans l’établissement ou ce qui est en train de se passer dans la vie personnelle de certains élèves. Peut-être aussi pourras-tu prendre du recul sur ton propre investissement au travail en termes de temps et d’énergie et de perfectionnisme.

3.Entoure-toi de collègues inspirant.e.s

 

Va à la rencontre des collègues qui t’inspirent, recherche des groupes facebook de profs motivés.  Ne te compare pas à eux car leur contexte est sûrement différent mais glâne leurs conseils et copie (ou « modélise » comme on dit en PNL) leur attitude. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai eu envie d’interviewer des profs inspirantes dans mon podcast Actrices de l’éducation.

 

Je te conseille d’éviter de passer trop de temps en compagnie des personnes qui sont « énergivores ». Nos circonstances, notre écosystème à chacun est différent mais ils risquent de te prendre de l’énergie au lieu de t’en redonner. Et tu n’as pas besoin de ça pour le moment. C’est la même chose pour certains groupes sur les réseaux sociaux qui, si tu n’y prends pas garde, vont renforcer tes problèmes. Nous avons tous tendance à conforter nos propres croyances en faisant appel à nos biais cognitifs. Tout ce qui va confirmer ce que j’ai appris à croire à partir de mes expériences (« les élèves sont horribles, les familles aussi, la hiérarchie ne soutient jamais ») va conforter davantage ces croyances.

Propose à l’établissement de créer un groupe d’échange des bonnes pratiques dans l’école ou crée-le toi-même de façon informelle! J’en propose aux femmes qui veulent incarner totalement ce qui les anime ICI.

4. Ne prends pas les choses trop personnellement

 

Cherche la raison immédiate du comportement perturbateur et non les raisons psychologiques/sociologiques/génétiques qui le sous-tendent peut-être.

Ne prends pas les comportements perturbateurs comme des attaques personnelles et rappelle-toi que tu n’es pas capable seule de gérer la génétique, les problèmes psy ou autres de ton élève. Par contre, tu peux agir maintenant en classe.

Selon les chercheurs, le comportement a toujours une fonction : « obtenir quelque chose, acquérir un bien matériel, un statut social, attirer l’attention, établir un rapport de forces en sa faveur, éviter un événement perçu comme désagréable, par exemple des activités qui comportent un risque d’échec ou qui paraissent ennuyeuses ». 

Un enseignant confronté à un comportement perturbateur pourrait se demander quelle fonction ce comportement joue pour l’élève. C’est d’ailleurs une des bases de la discipline positive. Une fois cette fonction repérée, à toi d’adapter ton comportement en conséquence. L’exemple le plus typique est celui de l’élève complètement largué dans la matière et qui a un comportement perturbateur pour éviter de se confronter à ses lacunes. 

L’élève n’a, bien entendu, pas conscience de ce qui sous-tend son comportement.

En le « virant » de la classe, on ne fait qu’accentuer le problème.

Par contre, il est parfois nécessaire de te protéger physiquement et moralement. Quand la violence (qu’elle soit physique ou morale) est dirigée vers toi, ne reste pas seule dans cette situation. Alerte ta direction et tes collègues. Appelle les parents. N’aie pas peur d’éloigner l’élève de toi (quitte à le « refourguer » à des collègues compatissants) car tu dois prendre soin de toi (et de ta classe).

Tu peux aussi essayer d’analyser ton propre comportement et celui du groupe-classe pour essayer de prévenir ce qui aurait conduit à favoriser le comportement perturbateur. Des moqueries des autres élèves, des remarques, une attitude fermée et non souriante peuvent être les étincelles qui mettent le feu aux poudres. Au contraire, la politesse, le sourire, l’accueil, des explications claires et explicites peuvent créer un climat scolaire porteur car en lien avec les besoins de reconnaissance, d’autonomie et de sécurité des élèves. Prends du recul sur ta pratique et sur la dynamique du groupe que tu gères. Ne pas prendre les choses personnellement ne veut pas dire que tu n’as pas la responsabilité de chercher ce que tu peux faire dans ta zone d’action. Tu peux essayer d’alléger quelque chose en lui grâce à ta présence et ton écoute. C’est déjà beaucoup.

Enfin, souviens-toi que chercher l’attention étant une des fonctions du comportement, si tu ne fais que souligner les comportements négatifs de tes élèves ils risquent de se renforcer. Ce qui m’amène au point suivant.

5. Applique la technique 5-1


De la même façon qu’une plante a besoin d’eau pour grandir, nous avons tous besoin de signes de reconnaissance sur ce que nous accomplissons.  Pour se sentir encouragé.e.s, se sentir reconnu.e.s et être sûr.e.s que l’on va dans la bonne voie. Que ce soit dans le mariage, au sein d’une entreprise ou dans une classe….si les seuls retours sont négatifs, la motivation va dégringoler. Les enfants et les adolescents sont d’autant plus avides de ces retours, eux qui sont en train d’apprendre à devenir des adultes responsables et autonomes. 

D’après les chercheurs et des psychologues comme Kazdin, il faudrait respecter la règle du 5-1 : pour 1 conséquence ou 1 retour négatif, il faut 5 conséquences ou retours positifs.

D’autant plus que les adolescents ne réagissent pas comme les adultes aux punitions : ils n’en tirent pas les conséquences, contrairement à nous. Ainsi, tandis qu’ils s’attribuent le mérite de leur succès, ils ont tendance à attribuer le négatif aux autres (une tendance bien naturelle et qui persiste à l’âge adulte 😉 ). La punition sera donc de la faute des copains ou du prof injuste. Donc pas forcément productive.

Si tu veux être capable de donner 5 retours positifs, cela va te demander  automatiquement de te concentrer sur ce qui va bien, sur ce que l’élève fait bien afin de le renforcer. Il ne s’agit pas de dire des compliments, mais d’observer de façon objective le comportement positif et attendu. Et s’il semble que les élèves en question ne semblent ne pas avoir compris les codes du « bon élève », charge-toi de les leur expliciter de façon neutre.

Rappelle-toi aussi que nous sommes profs pour tous les élèves, même ceux-là et que, comme disait Maya Goyet sur son blog du Monde « Il nous faudrait apprendre à nous sentir responsables de ces élèves. De refuser de les lâcher ».

Le chercheur Frank Ramus rappelle que, pour être vraiment efficaces, ces conseils doivent être appliqués par tout l’établissement, « écosystème » auquel tu appartiens. Que cela ne t’empêche pas de commencer et d’expérimenter une véritable permaculture de soi dans ton métier et dans ta vie.

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