Crise du coronavirus : Et si on écoutait les enfants, pour une fois ? Devenons des tuteurs de résilience

Mon aîné, Mathias, 9 ans, vit un de ses rêves les plus fous depuis quelques semaines. Pas d’école depuis plus de 40 jours, toute une journée avec papa et maman (qui se relaient auprès de lui et de ses plus jeunes frères et sœurs), quelques devoirs par jour, sa logopède/orthophoniste en ligne 2 X par semaine (il est multidys et Tdah) , davantage d’écran que d’habitude et la possibilité de faire un tour en vélo ou en rollers dans la rue. De la nourriture saine et variée, un jardin pour observer les fourmis ou jouer à être un chevalier. Une ambiance familiale plutôt agréable malgré les tensions qui surgissent parfois entre parents ou entre parents et enfants.

Ce qui lui manque ? Ses copains avec lesquels il adore parler de ses préoccupations (les jeux vidéos et pokémon 😉).

Mathias est privilégié : il a tout ce dont un enfant rêve tant matériellement qu’émotionnellement. Un peu de stress par rapport à la maladie et de tristesse de ne pas voir ses grands-parents mais cela ne l’empêche pas de dormir et de sourire (bien plus que lorsqu’il va à l’école).

Il est encore jeune et n’a pas les besoins intenses de sociabilité des ados, pour qui le lien social si important a été malmené durant ce confinement. Ils se rattrapent tant bien que mal avec les réseaux sociaux mais leur liberté de mouvement et leur besoin d’autonomie se sont réduits à peau de chagrin. Pour eux, un retour à l’école, lieu de sociabilisation et d’individuation devient urgent.

Mais pour mon fils encore jeune, la vie de tous les enfants devrait ressembler à cela. Ce serait tellement beau et bien plus juste ! Si tous les enfants avaient accès à un grand jardin ou une grande forêt (ou un parc !), à de la nourriture saine, à la possibilité de jouer, de rêver, d’observer les animaux en compagnie d’autres enfants et encadrés par des adultes (plus ou moins 😉 ) à leur écoute et disponibles.

Peut-on lui affirmer qu’il a tort ?

Que la vie ce n’est pas ça, c’est rester assis à un bureau à faire de la grammaire et à écouter son prof lui expliquer comment fonctionnent les choses ? Jouer quelques minutes dans un espace bétonné et sans verdure ? Retourner chez soi dans un petit appart surpeuplé et insalubre ? Dans une famille anxieuse de boucler ses fins de mois ?

Je caricature diront certains… mais pourtant, il s’agit sur bien des points de la réalité de beaucoup d’enfants et d’ados. 

Les enseignants, pendant la continuité pédagogique, ont pu s’apercevoir des disparités d’accès au numérique et d’encadrement parental de leurs élèves pour des raisons socio-économiques -s’ils ne les avaient pas déjà observées auparavant.

Est-ce une raison pour leur imposer un retour en classe dans des conditions anxiogènes, avec des mesures de distanciation physique absurdes qu’on soit un ado de 15 ans ou un tout petit de 3 ans ? 

A-t’on une idée de l’impact psychologique créé par le fait d’être en relation toute la journée avec des personnes masquées ? Des adultes qui ont peur pour leur propre santé ou celle de leurs parents, des enfants dont le cerveau sera peut-être moins bien oxygéné pour apprendre, courir, sauter, crier avec un masque sur le visage? Certes, l’être humain s’adapte à tout et nos enfants ne sont pas en sucre….mais est-ce vraiment ce que l’on souhaite pour eux et pour le corps enseignant déjà mis à mal par des facteurs de risques psycho-sociaux élevés?

Et pourtant, dieu sait qu’en tant que maman de 3 enfants dont un petit encore en couches, je suis loin de rêver de les avoir encore à la maison les prochains mois, je vous assure! J’ai eu mon lot de larmes, d’épuisement et de colère. De doutes sur mes capacités à tenir le coup. Et, en tant qu’ancienne prof en lycée pro, j’imagine très bien l’inquiétude des enseignants par rapport au programme et aux objectifs ainsi que celle de bien des parents.

Mais je parle ici en tant qu’adulte responsable des enfants autour de moi, les miens mais aussi tous les autres (je suis du style à garder un œil sur tous les gamins d’un groupe 😉 ) et en tant que professionnelle de l’éducation. Je m’adresse à ceux et celles qui sentent eux aussi cette responsabilité (je parlerai d’ailleurs longuement de ce thème dans l’atelier en ligne du 13 mai sur la résilience voir infos en bas de l’article). Et parce que dans leur grande majorité, les enfants sont moins gravement touchés par le coronavirus que les adultes. J’essaie, l’espace d’un instant, de me détacher de mes propres préoccupations pour me hisser jusqu’aux enfants, comme le dit si joliment Janusz Korczak.

Alors, quelle solution?

Bien des choses ne dépendent pas de nous mais du bon vouloir des experts et des représentants de l’état. D’autant plus quand nous sommes nous-mêmes fonctionnaires d’état …

Je n’évoquerai pas ici les mouvements collectifs de contestation qui peuvent être puissants mais le mouvement individuel que nous pouvons faire personnellement. Celui qui dépend entièrement de nous. Quand nous sommes pris en tenaille entre des exigences contraires, absurdes, intenables il en va de notre responsabilité individuelle de nous protéger, nous, et de protéger les enfants que nous avons à notre charge.

Ce que je souhaite, c’est que nous nous mettions, pour une fois, du côté des enfants. A leur écoute. Qu’ils ne deviennent pas des « dommages collatéraux » de nos problèmes d’adultes et des solutions bancales qu’on y aurait trouvées.

La transmission et les apprentissages vont clairement être mis à mal en cette période de déconfinement. Les émotions ont été vives, les contraintes sanitaires sont fortes.

Pourtant, il est important qu’une activité économique reprenne et que les liens sociaux se recréent peu à peu. Les enfants eux-mêmes sont en manque de structure, de leurs camarades de classe, d’insouciance et de liberté: écoutons-les, eux qui sont les premiers concernés comme nous le suggère la pensée en design.

Et si l’école leur offrait tout cela ? Et si on actait le fait que l’école ne peut plus correctement assurer sa mission de transmission des connaissances mais qu’elle peut assurer sur bien d’autres plans ? Je plaide pour que l’école sorte de son carcan, sorte de ses murs et ne devienne ni une garderie ni un labo aseptisé mais bien un espace protégé où l’ont puisse:

  • Donner aux enfants les outils pour vivre en groupe,  collaborer,  être en lien et en empathie avec les autres ;
  • Encourager la tendance naturelle des enfants pour l’observation, le questionnement scientifique, la classification, l’émission d’hypothèses intuitives…. tout en respectant la vie et la nature;
  • Aider les enfants à canaliser leur impulsivité, à prendre confiance dans leurs compétences, à exercer leurs intelligences ;
  • Encadrer des enfants dans un espace et un temps clos et sacrés pour leur permettre de grandir ensemble, d’apprendre en imitant les plus grands et de jouer ;
  • Leur permettre d’être en contact avec d’autres adultes que leurs familles, prendre modèle sur d’autres hommes, d’autres femmes afin de créer leur propre personnalité d’adulte en devenir ;
  • Conscientiser les petites personnes aux problèmes écologiques, sociaux et économiques que les grandes personnes ont créés ou laissé faire
  • Etc etc

Il nous appartient, adultes, acteurs et actrices de l’éducation (et ce y compris parents), d’être un modèle de résilience pour nos enfants. De leur montrer que, face au changement, on peut décider en conscience de l’accueillir, d’en prendre acte, et de créer autre chose. Pour donner un sens à cette crise et en faire une transition entre ce qui était et ce qui sera, hissons-nous à hauteur d’enfant et ouvrons notre cœur. 

Soyons en lien avec notre coeur et nos émotions et accueillons-les afin de pouvoir accueillir celles des enfants.

Ecoutons nos besoins et non nos peurs -et les besoins des enfants.

Pour te soutenir dans cette discipline personnelle et dans le développement de ta résilience, j’organise un atelier gratuit ayant comme thème le changement et la résilience : « Accueillir le changement : les 3 clés pour développer sa résilience » qui aura lieu le 13 mai à 18h, disponible en replay. J’évoquerai des outils concrets pour développer sa résilience individuelle et ainsi être davantage en mesure de soutenir les enfants dont nous sommes responsables -et de même tout le collectif auquel nous appartenons.

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janusz korczak

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