J’ai toujours été très attentive au climat de classe.
Mais j’ai fait une erreur assez monumentale, qui a causé bien des dégâts dans mon métier et dans ma relation avec les élèves – sans parler des dégâts sur ma propre santé mentale et sur ma vie familiale.
Je sais que beaucoup de profs font la même erreur et qu’ils la font en toute bonne foi. C’est tout simplement ce que nous avons appris toute notre vie, d’abord en tant qu’élèves puis en tant que stagiaires.

Nous voulons le meilleur pour nos élèves : nous voulons qu’ils aient tous et toutes les mêmes chances et un bagage culturel équivalent en dépit de leur milieu. Nous savons que le diplôme est la clé d’un avenir plus libre et plus confortable ; que l’école offre des possibilités sociales que bien des familles ne peuvent offrir à leurs enfants.
Nous sommes investis par la société d’une grande responsabilité envers ces jeunes et nous voulons l’endosser avec autorité. Bien avant que les neurosciences ne prouvent qu’un élève qui se sent bien apprend mieux, beaucoup d’enseignants et enseignantes tentaient déjà de créer un climat scolaire suffisamment bon que pour permettre les apprentissages.
Mais, comme le dit Andreas Schleicher, chercheur en éducation, « Vous avez des élèves du XXIe siècle, des enseignants et une pédagogie du XXe et une organisation du travail du XIXe. siècle».
Quelle est donc l’erreur numéro 1 que beaucoup d’enseignants commettent?
L’erreur n°1 est de croire qu’une organisation du XIXème siècle est encore valable à l'heure de l'urgence climatique.
Au tout début…
A mes débuts, il n’y avait pas une très grande différence d’âge entre moi et pas mal des élèves. Je faisais davantage « grande sœur » que professeur. En plus, j’étais, et je le suis toujours, d’un naturel souriant et avenant. Pour mes élèves, c’était en quelque sorte une invitation à laisser libre cours à toutes ces émotions qui, selon ma vision des choses, parasitaient mon cours : colère, peur et même joie. J’avais cependant la fierté de vouloir bien « gérer » ma classe, ma plus grande honte vis-à-vis de mes collègues aurait été que ce soit le bazar pendant mon cours et je mettais donc un point d’honneur à faire respecter la discipline. Avec cette impression de poser un couvercle sur une marmite bouillonnante…
- Par discipline, j’entendais silence.
- Élèves assis en rangs d’oignons sans trop bouger ni boire.
- Élèves recopiant rapidement ce que j’écrivais au tableau.
- Autorité de l’enseignante c’est-à-dire que l’information était transmise de façon verticale, de moi aux élèves puis le contrôle d’eux à moi
- Concentration haute et constante pendant 50 minutes (la cloche marquant la pause)
- Pas de parasitage d’émotions survenant aléatoirement ou de bruits du corps : nous étions dans les hautes sphères de l’intellect
- Pas de rire ou de sourires (j’enfreignais parfois cette loi).
- Une classe aseptisée, comme vidée de ses acteurs finalement.
Je m’appliquais cette organisation à moi-même aussi bien sûr ! Si j’avais faim, je ne mangeais pas. Si j’avais soif, je ne buvais pas. Si j’étais souffrante (règles, rhume, petite grippe), j’étais bien là (comment les élèves et les collègues auraient-ils fait sans moi ?). Et si j’étais déprimée pour X raison, je ne le manifestais pas (enfin, j’essayais du moins car les élèves le voyaient directement) et n’en parlais pas. Tout cela me demandait une énergie folle (l’énergie d’aller contre son naturel et contre le naturel des autres) et j’en payais les conséquences avec un stress très élevé et des émotions encore plus intenses une fois rendue chez moi.
Bref, à l’école j’étais un bon petit soldat emmenant mes troupes au pas vers le front comme François Taddei l’image si bien dans son Ted Talk.
Ce que j’ai appris…
Aujourd’hui, je sais faire la différence entre le bourdonnement d’une classe qui réfléchit et qui échange avec le silence d’une classe qui s’endort. Je ne supporte plus la vue de rangées de tables et encore moins d’une estrade (comme j’ai eu la chance d’avoir pendant mon année d’enseignement en fac…). Et je sais que l’être humain et a fortiori l’adolescent a des besoins physiologiques et émotionnels tout aussi importants que son besoin d’apprendre. J’ai compris que l’autonomie, l’auto-détermination, la liberté et le jeu sont les conditions essentielles au fameux bien-être et à l’apprentissage.
Que nous ne préparons pas nos élèves à la guerre mais à être capables d’appréhender collectivement les enjeux écologiques et sociaux de demain avec créativité et astuce.
J’aurais aimé savoir cela avant d’entrer en classe pour la première fois ou même au moment où je commençais à m’épuiser nerveusement.
J’espère que ce partage d’expérience t’aura permis de prendre davantage de recul sur ta pratique et, si c’est déjà fait, de te faire comprendre que tu n’es pas seule face à ces questionnements.
Quelle école voulons-nous pour demain ? Comment repenser la gestion de classe et le climat scolaire ? Voilà des questions qui méritent qu’on prenne le temps de s’y attarder.
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